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Le pouvoir de la façade

Lorsque nous étions petits et que la petite famille était invitée chez des gens, nous, les gamins devions bonne figure. Plus que ça, nous devions éblouir la gallerie, émerveiller petits et grands par nos bonnes manières, notre politesse et notre conduite irréprochable. Nous devionnike air max 270 yeezy official yeezy shoes custom basketball uniforms nike nba miami heat nike nba miami heat adut toys adidas juventus 22 23 best adult store cheap jerseys OSU Jerseys best adult store nike air max 270 nike air max 270 jordan 4 nike store s abasourdir les grands en étant ce prodige glorieux que nous étions aux yeux de nos mères. Il était ainsi attendu de nous qu’on parle peu (et bien), qu’on mange peu (et sans tâcher), et qu’on évolue dans l’espace à la manière d’un nonagénaire. Il était par exemple indécent de se resservir ou de redemander une portion d’un plat qu’on aimait bien. Si tel était le cas, ça pourrait sous-entendre n’y avait pas assez à manger à la maison, allez comprendre ! Nous, quand on aimait bien, on y allait franco, et peu importe pour les conséquences. Qui aime bien mange bien.

Pendant ce temps-là, nos mère ne tarissaient pas d’éloges à notre égard. Ainsi y allaient-elles de leur exagérations : « il a marché à 6 mois » ;  « il a parlé à 2 jours » ; « il connaissait l’alphabet avant qu’ le lui apprenne, avant qu’il soit inventé »… j’exagère à peine. Il fallait que les tatas, ces sœurs d’élection de nos mères avec qui on n’avait aucun lien de sang, soient fascinées par nos bonnes manières, notre finesse et nos capacités intellectuelles supérieures à la norme. Mais voilà, pour pouvoir louer nos qualité sans avoir à rougir de nos gaucheries, nos mères, ces femmes admirables, pouvaient se montrer un peu excessives.

La carotte

Pour éviter les débordements et familiarités de tous genres, nous étions briefés à la maison avant de partir : « weldi zwine, ma taydirch bsala » (mon fils est poli et il ne fait pas de bêtises ) « weldi zwine, ou tayakoul bchwiya » (mon fils est poli et il mange il doucement). Nos mères nous assénaient ces phrases subliminales en boucle ad nauseaum. Elles étaient accompagnées de caresses et de dorlotements suspects qui n’étaient pas d’usage en temps normal. Leur comportement nous mettait la puce à l’oreille : il y avait quelque chose à gratter aujourd’hui (bonbons, passe-droits ,etc.). Ainsi allait commencer une négociation tacite qui allait durer avant et le long du repas à venir, celui auquel nous étions conviés.

Le fouet

Comme la carotte ne suffisait pas, Il fallait à nos mères une technique efficace pour éliminer le doute sur ce qu’on pouvait faire ou dire de travers. Durant le repas ou la réception, à chaque mot, à chaque geste suspect de notre part, elles glissaient la main sous la table pour nous pincer la cuisse. Le mot « pincer » ne rend pas justice lqriss ; elle picoraient notre chair juvénile avec leurs doigts habiles avec l’ardeur d’une poule affamée. L9riss, un classique de l’arsenal des dents de la mère, venait tempérer notre excitation avant que le « mal » soit fait. On ne le sentait pas sur le coup, et c’était voulu, il ne fallait pas qu’on s’écrie soudain « aye » dans une table remplie de convives, non c’était plus subtil que ça. Par une technique ésothérique dont elles avaient le secret, l9riss faisaient couler la douleur lente et pernicieuse qui gagnait en amplitude jusqu’à en devenir insoutenable, comme le venin d’une vipère. Gagnés par une douleur grandissante, on se taisait, on se figeait. Combien de phrases sont restées sans suite, suspendues dans l’ether car on avait été pincés. Combien de « tata je veux… » ; « maman je peux… » ont été tués dans l’œuf de nos pensées à la faveur d’un pincement efficace. Pendant ce temps-là nos mères affichaient un air des plus serein qui ne laissait rien présager de ce qui se passait en dessous de la table. Nos mères auraient fait un malheur au poker.

Ces expéditions sous-marines étaient le plus souvent préventives, les enfants étant imprévisibles de nature, et puis, lorsqu’on on avait lâché un gros mot ou un geste indescent c’était déjà trop tard. Il fallait rester dans les ornière des bonnes manières qui consistaient à ne s’exprimer qu’au travers du filtre des conventions, ainsi, une punition préventive vallait mieux qu’un affront en public. Lorsque ça arrivait, nous étions en proie à nos doutes, on se mettait à tituber dans nos pensées : « j’ai mal parlé ? mal bougé ? » « qu’est-ce que j’ai dit qu’il fallait pas? » ; L9riss c’était le contraire de l’aide à l’affirmation de soi.

D’ailleurs on dit de quelqu’un qui est aux aguets dans ses comportements, qu’il est mqarress, qu’il est pincé. Lqriss, ça revenait à être puni pour ne avoir à être « vraiment » puni.

L’histoire de ma tante Aziza

L’histoire de ma tante Aziza est un cas d’étude. Il explique en partie la névrose qu’avaient nos mères à nous laisser exercer notre spontané. Son fils de trois ans avait fait une découverte saugrenue : il avait constaté que dire le mot « zizi » (en arabe) haut et fort avait un pouvoir magique et répulsif sur les grands, surtout quand c’est des invité(e)s, alors il s’en donnait à cœur joie.Dès qu’il se sentait un peu délaissé ou qu’il s’ennuyait un peu, surtout lorsque la maison était remplie, il se mettait un peu à l’écart et entamait sa sérénade : « zizi, zizi, zizi …». Les adultes blêmissaient, certains rougissaient. Tous gênés ils se mettaient à fuir comme s’il venait de dégoupiller une grenade certains prétextaient d’aller aux toilettes, d’autres précipitaient carrément leur départ, etc. Lui ça l’amusait au-delà de toute chose.

Sa mère, ma tante, (devenue championne du monde du 10m avec saut de haies /meubles) passait le plus clair du temps à calculer le temps qu’il lui faudrait pour le neutraliser. Elle le gardait près d’elle la plupart du temps, mais voilà il fallait bien qu’elle bouge, et le petit était malin. Quand elle intervenait pour le neutraliser, c’était drôle à voir : elle avait une main sur sa bouche et l’autre sur sa nuque, elle le soulevait et partait en courant vers le couloir, pendant qu’il continuait à chanter sa chanson préférée au travers de ses doigts censeurs. Ma tante n’a jamais été tranquille entre 1988 et 1992, le temps que son fils développe la notion du qu’en dira-t-on et rejoigne la cohorte des futurs adultes inhibés.

Voilà le genre de scenarios catastrophe que toutes les mamans Marocaines redoutent : le désaveu publique, la hchouma et les qu’en dira-t-on. Ainsi, nos mères, voulant garder bonne façade faisaient usage de lqriss ainsi que d’autres techniques des dents de la mère.